Une nouvelle semaine débute avec plein de projets et défis différents pour la semaine, discutés et planifiés comme chaque semaine le vendredi soir passé dans un « conférence call » Suisse-Guinée en direct à trois (le Dr. Ibrahima Sory, moi et le Dr. Matthias).
Après avoir fait connaissances des gens, les collaborateurs de l’INSE dans les deux premières semaines, est finalement arrivé le moment de lancer les projets, la formation et tout le reste, mais (car ici en Guinée, il y a toujours un ‘mais’) il manque toujours quelque chose, ou quelqu´un pour pouvoir commencer pour de vrai….. Nous attendons pendant un temps indéterminé ; le temps se dilate et notre patience devient infinie.
Pendant cette semaine, je sens de grande frustration due à cette sensation d’immobilité et surtout d’incapacité à faire bouger les choses. Mais, il y a eu quand même des petits changements qui m’ont fait retrouver le sourire.
Un exemple, la visite du laboratoire Bio-Mar avec Dr Bangoura et sa Peugeot 206 datée d’au moins 20 ans, qui a eu déjà des soucis à démarrer depuis l’INSE et qui n’a pu se mettre en route que grâce à l’aide de 4 hommes et de l’énergie cinétique produite par leurs jambes maigres mais tenaces. Arrivés à notre destination, après avoir sympathisé avec le Docteur qui m’a montré le laboratoire, les appareils et tout le matériel, j’ai retrouvé Monsieur Bangoura en nage qui essayait, avec toute son énergie, de redémarrer la voiture qui ne donnait pas de signe de vie....
C’est alors qu’une autre expérience qui débute..... Malgré la chaleur, je n’ai pas rechigné à aider à essayer de redémarrer la voiture qui a quand même mis bien 30 minutes avant de nous donner satisfaction de fonctionner. Nous étions qutre à pousser afin de la faire voler... Une fois le moteur reparti, je suis sauté dans la Peugeot, et,… nous sommes arrivés à l’INSE transpirants comme après un jogging, - l’entraînement de la journée était fait !
Pendant cette même semaine, j’ai pu débuter les formations d’hygiène après un nettoyage de fond de tout le Service de Néonatologie, aidée bien évidemment par Madame Camara, mon ombre de tous les jours et bien évidemment par l’hygiéniste, Asha, et par tous les gens qui ont voulu nous suivre dans cette folie de remise en ordre le service.
Le nettoyage a été suivi par les formations concernant l’hygiène et les méthodes de désinfection à utiliser dans un milieu hospitalier et tout particulièrement en Néonatalogie, accompagnées également par des ateliers pratiques pour une réorganisation de chaque tâche clinique. Nous avons aussi installé à l’entrée de toutes les salles des boîtiers fait en fer, pas particulièrement jolis, mais assez pratiques pour mettre dedans les sachets de gel antiseptique ! Puisse enfin commencer la désinfection des mains dans l’hôpital ! La démonstration aux mères comment se désinfecter les mains a débuté, est souvent assez rigolote et se fait maintenant tous les jours.
Mais pendant cette semaine, nous avons malheureusement aussi vécu des moments plus difficiles, comme avec les parents qui, malgré la condition de leur enfant, demandaient à pouvoir rentrer à la maison. Il faut s’imaginer que ces parents, qui viennent très souvent des villages très éloignés, n’ont pas de moyen propre pour se déplacer. L’hospitalisation de leur enfant va influer sur le revenu de toute la famille. Du coup, quand ils se rendent compte que l’hospitalisation va durer avec un impact trop important sur toute la famille, il y a des membres de la famille élargie (grands-parents, sœurs, frères, concubines...) qui interviennent pour persuader les parents de rentrer à la maison. Là-bas, dans le village, la famille prendra en charge les soins du nouveau-né malade avec des potions secrètes ou du sérum à administrer directement au bébé, du type mélange d’herbes, de sang de tortue, etc.... Et si jamais l’enfant ne va pas mieux, c’est parce que : « il a très probablement attrapé la maladie de la tortue ou de quelques villages maudits ».
C’est difficile à entendre, à croire et surtout de laisser partir les parents avec leurs petits survivants qui auront encore moins de chances de survivre, malgré que leurs parents pensent faire leur bien. Initialement, j’étais très fâchée car je ne pouvais pas accepter que nous, le personnel médical, nous permettions ça. Mais, ici en Guinée, ces histoires et légendes remontent dans les temps et nous (sous-entendu, les blanches ou le "foté") nous n’avons pas le droit de juger. C’est dur et difficile à accepter en même temps. Mais notre droit et devoir est d’essayer de convaincre avec nos paroles et la confiance et la fiabilité de nos actions.
Oui, ça reste ma plus grande frustration de la semaine, qu’il y a tellement de bébés qui se battent, mais pour lesquels nous n’avons pas les moyens de leur offrir la survie. Du coup, j’ai salué pour la dernière fois les jumelles prématurées, nées autour de 29 semaines, avec un faible poids, inférieur à 1000 g. J’avais le grand espoir que les parents puissent changer d’avis ou qu’ils reviennent à l’hôpital en cas d’apparition de complications ; - Ça n’a pas été le cas, je ne les ai plus jamais revues...
Cette semaine, fatigante d’une part, mais aussi gratifiante par moments, a été adoucie par deux grands ananas que Mme Camara, en connaissant de ma passion folle, m’a offert ; c’est vraiment une femme pleine de ressources et incroyable. Elle est infirmière, docteure, sage-femme, psychologue, amie de tout le monde. Elle est partout et elle sait tout faire !
La semaine s’est poursuivie avec la distribution des petits bonnets aux nouveau-nés, nés avec des petits poids, mais surtout avec un reportage dans l’unité de soins mère kangourou. Ces mères sont géniales, elles passent leurs journées dans une salle où la température est d’environ 30 degrés, elles s’alimentent bien avec du riz cuisiné à la guinéenne (viande, épices, piment) et dans la foulée, suite à la prise de poids de leur bébé, elles commencent à porter l’enfant entre leurs seins pendant 2,3,4 heures jusqu’au prochain repas et après elle recommencent jusqu’au soir. Elles sont vraiment incroyables, elles s’occupent presque seules, avec une petite aide de notre part, de leurs enfants minus et continuent à les porter en contact direct avec leur corps, malgré la chaleur et les conditions très difficiles de l’environnement, elles sont juste exceptionnelles !
Le résumée de cette troisième semaine : elle est marquée par des longs moments de frustrations et ces quelques moments de bonheur et gratification ; mais, les gens commencent à me connaître et moi, je me sens finalement à ma place, en complète confiance.
J’essaie de ne pas perdre l’espoir, là où ça ne veut pas avancer, où tout semble ralentir ou empêcher l’avancement. J’ai compris que je suis là pour me battre, à leur côté, pour montrer qu’ensemble nous pouvons faire avancer vers une amélioration et diminuer les ‘mais’.
Paola