Bouffée de Conakry - 6

Sixième semaine à l’INSE

Cette semaine a vite commencé avec une conquête. Accompagnée par Koulibali, après avoir discuté à plusieurs reprises de l’heure du départ et du matériel nécessaire, nous avons pris 2 motos vu l’absence de véhicule disponible et nous sommes allées soumettre au comité d’éthique le protocole concernant le projet des hémocultures que nous aimerions débuter au plus vite à l’INSE. L’accueil ne fut pas tel que prévu car la Dame qui devait nous recevoir n’était pas là, malgré le RDV établi la semaine d’avant !

Nous avons pris le temps de patienter et d’attendre que Madame quitte une cérémonie de funérailles pour nous rejoindre. Ici, les funérailles durent un jour entier parfois, donc elle nous a fait comprendre par téléphone qu’elle viendrait pour soumettre le document puis qu’elle retournerait là-bas pour poursuivre la cérémonie.

Quelque chose de complètement normal pour elle et nous avons donc attendu en discutant de la politique de la Guinée et des conditions de la femme de façon bien allumée avec Koulibali qui a essayé de m’exposer une vision crue et réelle, difficile à accepter pour une Européenne pleine d’espoir et peut être aussi bien gâtée.

Bref, contents de notre victoire après avoir beaucoup attendu, nous sommes rentrés à l’hôpital avec une autre taxi-moto. Le chauffeur a décidé de prendre l’autoroute et de s’amuser à slalomer entre les voitures à une vitesse très douce « doi -doi » demandée et même exigée par moi-même. On a pu quand même arriver sain et sauf !

La journée a repris comme un vrai lundi, bien remplie de choses à faire, de gens à superviser et d’activités de tous les jours à l’INSE. La suite de la semaine a été marquée par le décès de Fille K. le mercredi 2 octobre, Journée de l’indépendance ici en Guinée. Ce jour-là, pour arriver à l’hôpital, j’ai mis 1h depuis chez moi car complètement surprise par un déluge qui a duré environ 45 minutes et qui m’a obligée à trouver un abri sur la route pour éviter d’arriver à l’hôpital comme après une vraie douche ! Dès l’arrêt de la grande pluie et confiante que celle-ci puisse cesser complètement, je suis finalement arrivée à l’hôpital où j’ai appris la triste nouvelle.

Cette enfant avait eu un début de vie très brutal, elle est venue au monde prématurément à cause d’une infection maternelle et a été sortie avec beaucoup de force à tel point qu’elle avait des hématomes au niveau du visage et du corps, diffusés partout qui avaient alors après 1 mois et 20 jours presque complètement disparu. Elle était encore hospitalisée car elle n’arrivait pas à se sevrer de l’oxygène, et malgré les investigations cardiaques et pulmonaires, nous n’avons pas retrouvé de cause autre qu’une grande souffrance néonatale probablement responsable de tout ça. Cette enfant était arrivée à l’INSE pendant mes premiers jours en Guinée et j’ai appris à bien connaître la mère. Au final, elle m’avait même dit quelques jours avant qu’elle voyait les changements concernant l’hygiène depuis mon travail avec l’équipe, que le Service était plus propre et que ça commençait à rouler. J’étais très contente d’entendre tout ça de la part d’une mère qui vivait jour et nuit là-bas, sans jamais baisser les bras.

Dès mon arrivée à l’hôpital, j’ai cherché la mère et les infirmiers m’ont communiqué qu’elle avait déjà quitté l’hôpital, donc j’ai décidé de l’appeler sans même réfléchir à quoi dire, elle a répondu surprise mais contente de m’entendre et, en pleurant, m’a demandé d’aller lui rendre visite à la maison, que les funérailles avaient déjà eu lieu. Je lui ai dit que je ferais le maximum pour aller lui rendre visite après avoir travaillé un peu. C’était exactement ça, j’ai réglé toutes les histoires des bébés avec les médecins de garde et, après ça, avec un autre médecin nous sommes allés à cheval sur sa moto rejoindre le domicile de cette famille pour lui adresser nos condoléances en personne.

Ce fut un long voyage, nous sommes arrivés jusqu’à la périphérie de Conakry mais au final ce fut poignant. Les parents du bébé étaient seuls à leur domicile dans une chambre et nous ont accueillis avec grand amour. Nous avons pu discuter un petit peu et après avoir essayé de les réconforter, nous sommes repartis pour retourner travailler. C’était vraiment triste de voir pleurer cette femme costaude, bien enveloppée, qui avait jusqu’alors toujours eu le sourire et jamais perdu espoir.

La vie peut parfois être très cruelle pour certains, j’espère vivement que ces parents retrouveront le sourire au plus vite.

Comment se remettre après avoir vécu tout ça ? Comment font ces femmes courageuses, fortes et sages, pour poursuivre la vie en souriant après tout ça ? Je les admire beaucoup et je trouve qu’il faudrait beaucoup apprendre d’elles. Elles tolèrent la souffrance et la douleur, beaucoup plus que nous, et elles se soutiennent.

La suite de la semaine s’est déroulé sans trop de soucis entre la suite de la formation sur l’hygiène et la supervision des photos des tablettes, en revoyant les critères avec Madame Camara, certains se perdant parfois et improvisant des photos de poses de bébés pas réellement permises.

À ma sixième semaine, je commence à accuser le coup de l’Afrique, je suis vraiment fatiguée, j’ai donc décidé de prendre un grand week-end pour m’évader de Conakry et me reposer en bonne compagnie, proche de la nature.

La destination de ma fin de semaine était Kindia, je suis partie avec mes deux colocs en déplacement local pour rejoindre que 5h plus tard la ville de Kindia. Le voyage en voiture mériterait lui-même un seul récit que je vous évite, mais quelle aventure !

Le week-end a été bien reposant en compagnie des collègues, amies de MSF, Alima et d’autres avec lesquels j’ai pu découvrir la région, notamment les cascades et le mont Gangan!

 

C’était super !